Lydie SALVAYRE "Pas pleurer" - Prix Goncourt 2014

"Pas pleurer" de Lydie Salvayre, éditions du Seuil, 279 pages, PRIX GONCOURT 2014

La narratrice de "Pas pleurer" nous fait entendre deux voies entrelacées qui nous parlent d'une même réalité historique, l'Espagne des années 1936-1939, en proie à la guerre civile.
Il y a d'une part la voix d'un grand témoin : l'écrivain français Georges Bernanos, installé depuis deux ans à Majorque. Monarchiste catholique et ancien militant de l'Action Française, tout porte Bernanos à sympathiser avec les "nationaux" du Général Franco. Et pourtant, c'est l'inverse qui se produit : révulsé par les massacres systématiques opérés contre les partisans de la République par les insurgés franquistes, révolté par l'absolution immédiate de ces crimes prononcée par l'Eglise espagnole, l'auteur des "Grands cimetières sous la lune" se range progressivement dans le camp de la République espagnole.
Il y a d'autre part la voix de Montse, la mère de la narratrice qui plus de 70 ans après les événements apporte son propre témoignage sur les jours enchantés de l'insurrection libertaire qui enflamma une grande partie de la jeunesse catalane. Dans une langue hybride, mélange de français et de catalan, forgée dans le petit village languedocien où elle a trouvé refuge, Montse révèle à sa fille une partie de son passé qui jusqu'alors était resté flouté : la rivalité et l'opposition mortifère entre José, le frère qu'elle vénère et qui a choisi de donner corps au rêve anarchiste, et celui qu'elle épousera, Diego, un fils de riches propriétaires terriens qui paradoxalement choisit l'adhésion au communisme.
Il ressort du témoignage de Montse un hommage à la jeunesse révolutionnaire espagnole de 1936 et une condamnation sans appel du camp franquiste soutenu par l'Italie fasciste et l'Allemagne nazie. Mais la force du livre de Lydie Salvayre est aussi de restituer cet épisode de l'histoire contemporaine dans toute sa complexité et en évitant le manichéisme (elle ne cache pas que des crimes ont parfois été commis dans le camp républicain).
Au-delà du plaisir de la lecture (ce roman se lit sans difficulté), il permet au lecteur de se remémorer un passé aujourd'hui un peu oublié, et pour nous qui vivons en Haute-Savoie de mieux comprendre les ressorts qui animèrent les jeunes républicains espagnols réfugiés dans notre département lorsqu'ils firent majoritairement le choix de se mettre au service de la Résistance française dans le combat contre l'occupant nazi et ses complices, pour la libération de la France.


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